法语阅读:追忆似水年华53
Je pensais que ma situation vis-à-vis d’Albertine allait en être améliorée. Elles étaient les filles d’une parente de Mme de Villeparisis et qui connaissait aussi Mme de Luxembourg. M. et Mme d’Ambresac qui avaient une petite villa à Balbec, et excessivement riches, menaient une vie des plus simples, étaient toujours habillés, le mari du même veston, la femme d’une robe sombre. Tous deux faisaient à ma grand’mère d’immenses saluts qui ne menaient à rien. Les filles, très jolies, s’habillaient avec plus d’élégance, mais une élégance de ville et non de plage. Dans leurs robes longues, sous leurs grands chapeaux, elles avaient l’air d’appartenir à une autre humanité qu’Albertine. Celle-ci savait très bien qui elles étaient. Ah ! vous connaissez les petites d’Ambresac. Hé bien, vous connaissez des gens très chics. Du reste, ils sont très simples, ajouta-t-elle comme si c’était contradictoire. Elles sont très gentilles mais tellement bien élevées qu’on ne les laisse pas aller au Casino, surtout à cause de nous, parce que nous avons trop mauvais genre. Elles vous plaisent ? Dame, a dépend. C’est tout à fait les petites oies blanches. a a peut-être son charme. Si vous aimez les petites oies blanches, vous êtes servi à souhait. Il para t qu’elles peuvent plaire puisqu’il y en a déjà une de fiancée au marquis de Saint-Loup. Et cela fait beaucoup de peine à la cadette qui était amoureuse de ce jeune homme. Moi, rien que leur manière de parler du bout des lèvres m’énerve. Et puis elles s’habillent d’une manière ridicule. Elles vont jouer au golf en robes de soie. à leur age elles sont mises plus prétentieusement que des femmes agées qui savent s’habiller. Tenez Madame Elstir, voilà une femme élégante. Je répondis qu’elle m’avait semblé vêtue avec beaucoup de simplicité. Albertine se mit à rire. Elle est mise très simplement, en effet, mais elle s’habille à ravir et pour arriver à ce que vous trouvez de la simplicité, elle dépense un argent fou. Les robes de Mme Elstir passaient inaper ues aux yeux de quelqu’un qui n’avait pas le go t s r et sobre des choses de la toilette. Il me faisait défaut. Elstir le possédait au suprême degré, à ce que me dit Albertine. Je ne m’en étais pas douté ni que les choses élégantes mais simples qui emplissaient son atelier étaient des merveilles désirées par lui, qu’il avait suivies de vente en vente, connaissant toute leur histoire, jusqu’au jour où il avait gagné assez d’argent pour pouvoir les posséder. Mais là-dessus Albertine, aussi ignorante que moi, ne pouvait rien m’apprendre. Tandis que pour les toilettes, avertie par un instinct de coquette et peut-être par un regret de jeune fille pauvre qui go te avec plus de désintéressement, de délicatesse, chez les riches, ce dont elle ne pourra se parer elle-même, elle sut me parler très bien des raffinements d’Elstir, si difficile qu’il trouvait toute femme mal habillée, et que mettant tout un monde dans une proportion, dans une nuance, il faisait faire pour sa femme à des prix fous des ombrelles, des chapeaux, des manteaux qu’il avait appris à Albertine à trouver charmants et qu’une personne sans go t n’e t pas plus remarqués que je n’avais fait. Du reste, Albertine qui avait fait un peu de peinture sans avoir d’ailleurs, elle l’avouait, aucune disposition , éprouvait une grande admiration pour Elstir, et grace à ce qu’il lui avait dit et montré, s’y connaissait en tableaux d’une fa on qui contrastait fort avec son enthousiasme pour Cavalleria Rusticana. C’est qu’en réalité, bien que cela ne se v t guère encore, elle était très intelligente et dans les choses qu’elle disait, la bêtise n’était pas sienne, mais celle de son milieu et de son age. Elstir avait eu sur elle une influence heureuse mais partielle. Toutes les formes de l’intelligence n’étaient pas arrivées chez Albertine au même degré de développement. Le go t de la peinture avait presque rattrapé celui de la toilette et de toutes les formes de l’élégance, mais n’avait pas été suivi par le go t de la musique qui restait fort en arrière. Albertine avait beau savoir qui étaient les Ambresac, comme qui peut le plus ne peut pas forcément le moins, je ne la trouvai pas, après que j’eusse salué ces jeunes filles, plus disposée à me faire conna tre ses amies. Vous êtes bien bon d’attacher, de leur donner de l’importance. Ne faites pas attention à elles, ce n’est rien du tout. Qu’est-ce que ces petites gosses peuvent compter pour un homme de votre valeur. Andrée au moins est remarquablement intelligente. C’est une bonne petite fille, quoique parfaitement fantasque, mais les autres sont vraiment très stupides. Après avoir quitté Albertine, je ressentis tout à coup beaucoup de chagrin que Saint-Loup m’e t caché ses fian ailles, et f t quelque chose d’aussi mal que se marier sans avoir rompu avec sa ma tresse. Peu de jours après pourtant, je fus présenté à Andrée et comme elle parla assez longtemps, j’en profitai pour lui dire que je voudrais bien la voir le lendemain, mais elle me répondit que c’était impossible parce qu’elle avait trouvé sa mère assez mal et ne voulait pas la laisser seule. Deux jours après, étant allé voir Elstir, il me dit la sympathie très grande qu’Andrée avait pour moi ; comme je lui répondais : Mais c’est moi qui ai eu beaucoup de sympathie pour elle dès le premier jour, je lui avais demandé à la revoir le lendemain, mais elle ne pouvait pas. – Oui, je sais, elle me l’a raconté, me dit Elstir, elle l’a assez regretté, mais elle avait accepté un pique-nique à dix lieues d’ici où elle devait aller en break et elle ne pouvait plus se décommander. Bien que ce mensonge f t, Andrée me connaissant si peu, fort insignifiant, je n’aurais pas d continuer à fréquenter une personne qui en était capable. Car ce que les gens ont fait, ils le recommencent indéfiniment. Et qu’on aille voir chaque année un ami qui les premières fois n’a pu venir à votre rendez-vous, ou s’est enrhumé, on le retrouvera avec un autre rhume qu’il aura pris, on le manquera à un autre rendez-vous où il ne sera pas venu, pour une même raison permanente à la place de laquelle il croit voir des raisons variées, tirées des circonstances. 相关资料 |