法语小说阅读:小东西下篇(8)
Au milieu de ces confidences, quelqu’un entra dans le salon. C’était un vieux sculpteur à crinière blanche, qui avait donné des le ons à la dame, au temps où elle sculptait. “ Je parie, lui dit-il à demi-voix en regardant le petit Chose d’un oeil plein de malice, je parie que c’est votre corailleur napolitain. - Tout juste, fit-elle en riant; et se tournant vers le corailleur qui semblait fort surpris de s’entendre désigner ainsi : vous ne vous souvenez pas, lui dit-elle, d’un matin où nous nous sommes rencontrés?... Vous alliez le cou nu, la poitrine ouverte, les cheveux en désordre, votre cruche de grés à la main... je crus revoir un de ces petits pêcheurs de corail qu’on rencontre dans la baie de Naples... Et le soir, j’en parlai à mes amis; mais nous ne nous doutions guère alors que le petit corailleur était un grand poète, et qu’au fond de cette cruche de grès, il y avait La Comédie pastorale ” . Je vous demande si le petit Chose était ravi de s’entendre traiter avec une admiration respectueuse. Pendant qu’il s’inclinait et souriait d’un air modeste, Coucou-Blanc introduisit un nouveau visiteur, qui n’était autre que le grand Baghavat, le poète indien de la table d’h te. Baghavat, en entrant, alla droit à la dame et lui tendit un livre à couverture verte. “ Je vous rapporte vos papillons, dit-il. Quelle dr le de littérature !... ” Un geste de la dame l’arrêta net. Il comprit que l’auteur était là et regarda de son c té avec un sourire contraint. Il y eut un moment de silence et de gêne, auquel l’arrivée d’un troisième personnage vint faire une heureuse diversion. Celui-ci était le professeur de déclamation; un affreux petit bossu, tête blême, perruque rousse, rire aux dents moisies. Il para t que, sans sa bosse, ce bossu-là e t été le plus grand comédien de son époque ; mais son infirmité ne lui permettant pas de monter sur les planches, il se consolait en faisant des élèves et en disant du mal de tous les comédiens du temps, Dès qu’il parut, la dame lui cria : “ Avez-vous vu l’Israélite ? Comment a-t-elle marché ce soir ? ” L’Israélite, c’était la grande tragédienne Rachel, alors au plus beau moment de sa gloire . “ Elle va de plus en plus mal, dit le professeur en haussant les épaules... Cette fille n’a rien... C’est une grue, une vraie grue. - Une vraie grue ”, ajouta l’élève ; et derrière elle les deux autres répétèrent avec conviction: “ Une vraie grue... ” Un moment après on demanda à la dame de réciter quelque chose. Sans se faire prier, elle se leva, prit le coupe-papier de nacre, retroussa la manche de son peignoir et se mit à déclamer. Bien, ou mal ? Le petit Chose e t été fort empêché pour le dire. Ebloui par ce beau bras de neige, fasciné par cette chevelure d’or qui s’agitait frénétiquement, il regardait et n’écoutait pas. Quand la dame eut fini, il applaudit plus fort que personne et déclara à son tour que Rachel n’était qu’une grue, une vraie grue. Il en rêva la nuit de ce bras de neige et de ce brouillard d’or. Puis, le jour venu, quand il voulut s’asseoir devant l’établi aux rimes, le bras enchanté vint encore le tirer par la manche. Alors, ne pouvant pas rimer, ne voulant pas sortir, il se mit à écrire à Jacques, et à lui parler de la dame du premier. “ -Ah ! mon ami, quelle femme ! Elle sait tout, elle conna t tout. Elle a fait des sonates, elle a fait des tableaux. Il y a sur sa cheminée une jolie Colombine en terre cuite qui est son oeuvre. Depuis trois mois, elle joue la tragédie, et elle la joue bien mieux que la fameuse Rachel. - Il para t décidément que cette Rachel n’est qu’une grue. - Enfin, mon cher, une femme comme tu n’en as jamais rêvé. Elle a tout vu, elle a été partout. Tout à coup elle vous dit : “ Quand j’étais à Saint-Pétersbourg... ” puis, au bout d’un moment, elle vous apprend qu’elle préfère la rade de Rio à celle de Naples. Elle a un kakatoès qu’elle a ramené des les Marquises, une Négresse qu’elle a prise en passant à Port-au-Prince... Mais au fait, tu la connais, sa Négresse, c’est notre voisine Coucou-Blanc. Malgré son air féroce, cette Coucou-Blanc est une excellente fille, tranquille, discrète, dévouée, et ne parlant jamais que par proverbes comme le bon Sancho. Quand les gens de la maison veulent lui tirer les vers du nez à propos de sa ma tresse, si elle est mariée, s’il y a un M. Borel quelque part, si elle est aussi riche qu’on le dit, Coucou-Blanc répond dans son patois : Zaffai cabrite pas zaffai mouton (les affaires du chevreau ne sont pas celles du mouton) ; ou bien encore: C’est soulié qui conna t si bas tini trou (c’est le soulier qui conna t si les bas ont des trous). Elle en a comme cela une centaine, et les indiscrets n’ont jamais le dernier mot avec elle... A propos, sais-tu qui j’ai rencontré chez la dame du premier ?... Le poète hindou de la table d’h te, le grand Baghavat lui-même. Il a l’air d’en être fort épris, et lui fait de beaux poèmes où il la compare tour à tour à un condor, un lotus ou un buffle ; mais la dame ne fait pas grand cas de ses hommages. D’ailleurs elle doit y être habituée : tous les artistes qui viennent chez elle - et je te réponds qu’il y en a des plus fameux - en sont amoureux. 相关资料 |