Mais quelquefois au lieu d’aller dans une ferme, nous montions jusqu’au haut de la falaise, et une fois arrivés et assis sur l’herbe, nous défaisions notre paquet de sandwichs et de gateaux. Mes amies préféraient les sandwiches et s’étonnaient de me voir manger seulement un gateau au chocolat gothiquement historié de sucre ou une tarte à l’abricot. C’est qu’avec les sandwiches au chester et à la salade, nourriture ignorante et nouvelle, je n’avais rien à dire. Mais les gateaux étaient instruits, les tartes étaient bavardes. Il y avait dans les premiers des fadeurs de crème et dans les secondes des fra cheurs de fruits qui en savaient long sur Combray, sur Gilberte, non seulement la Gilberte de Combray mais celle de Paris aux go ters de qui je les avais retrouvés. Ils me rappelaient ces assiettes à petits fours, des Mille et une Nuits, qui distrayaient tant de leurs sujets ma tante Léonie quand Fran oise lui apportait un jour Aladin ou la Lampe Merveilleuse, un autre Ali-Baba, le Dormeur éveillé ou Sinbad le Marin embarquant à Bassora avec toutes ses richesses. J’aurais bien voulu les revoir, mais ma grand’mère ne savait pas ce qu’elles étaient devenues et croyait d’ailleurs que c’était de vulgaires assiettes achetées dans le pays. N’importe, dans le gris et champenois Combray, elles et leurs vignettes s’encastraient multicolores, comme dans la noire église les vitraux aux mouvantes pierreries, comme dans le crépuscule de ma chambre les projections de la lanterne magique, comme devant la vue de la gare et du chemin de fer départemental les boutons d’or des Indes et les lilas de Perse, comme la collection de vieux Chine de ma grand’tante dans sa sombre demeure de vieille dame de province.
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