法语小说阅读:三个火枪手(24)
" Fais cela, s’écria-t-elle, et tu m’auras sauvé la vie, tu m’auras sauvé l’honneur ! -- Oh ! n’exagérez pas le service que j’ai le bonheur de vous rendre ; je n’ai rien à sauver à Votre Majesté, qui est seulement victime de perfides complots. -- C’est vrai, c’est vrai, mon enfant, dit la reine, et tu as raison. -- Donnez-moi donc cette lettre, Madame, le temps presse. " La reine courut à une petite table sur laquelle se trouvaient encre, papier et plumes : elle écrivit deux lignes, cacheta la lettre de son cachet et la remit à Mme Bonacieux. " Et maintenant, dit la reine, nous oublions une chose nécessaire. -- Laquelle ? -- L’argent. " Mme Bonacieux rougit. " Oui, c’est vrai, dit-elle, et j’avouerai à Votre Majesté que mon mari... -- Ton mari n’en a pas, c’est cela que tu veux dire. -- Si fait, il en a, mais il est fort avare, c’est là son défaut. Cependant, que Votre Majesté ne s’inquiète pas, nous trouverons moyen... -- C’est que je n’en ai pas non plus, dit la reine (ceux qui liront les Mémoires de Mme de Motteville ne s’étonneront pas de cette réponse) ; mais, attends. " Anne d’Autriche courut à son écrin. " Tiens, dit-elle, voici une bague d’un grand prix, à ce qu’on assure ; elle vient de mon frère le roi d’Espagne, elle est à moi et j’en puis disposer. Prends cette bague et fais-en de l’argent, et que ton mari parte. -- Dans une heure, vous serez obéie. -- Tu vois l’adresse, ajouta la reine, parlant si bas qu’à peine pouvait-on entendre ce qu’elle disait : A Milord duc de Buckingham, à Londres. -- La lettre sera remise à lui-même. -- Généreuse enfant ! " s’écria Anne d’Autriche. Mme Bonacieux baisa les mains de la reine, cacha le papier dans son corsage et disparut avec la légèreté d’un oiseau. Dix minutes après, elle était chez elle ; comme elle l’avait dit à la reine, elle n’avait pas revu son mari depuis sa mise en liberté ; elle ignorait donc le changement qui s’était fait en lui à l’endroit du cardinal, changement qu’avaient opéré la flatterie et l’argent de Son Eminence et qu’avaient corroboré, depuis, deux ou trois visites du comte de Rochefort, devenu le meilleur ami de Bonacieux, auquel il avait fait croire sans beaucoup de peine qu’aucun sentiment coupable n’avait amené l’enlèvement de sa femme, mais que c’était seulement une précaution politique. Elle trouva M. Bonacieux seul : le pauvre homme remettait à grand- peine de l’ordre dans la maison, dont il avait trouvé les meubles à peu près brisés et les armoires à peu près vides, la justice n’étant pas une des trois choses que le roi Salomon indique comme ne laissant point de traces de leur passage. Quant à la servante, elle s’était enfuie lors de l’arrestation de son ma tre. La terreur avait gagné la pauvre fille au point qu’elle n’avait cessé de marcher de Paris jusqu’en Bourgogne, son pays natal. Le digne mercier avait, aussit t sa rentrée dans sa maison, fait part à sa femme de son heureux retour, et sa femme lui avait répondu pour le féliciter et pour lui dire que le premier moment qu’elle pourrait dérober à ses devoirs serait consacré tout entier à lui rendre visite. Ce premier moment s’était fait attendre cinq jours, ce qui, dans toute autre circonstance, e t paru un peu bien long à ma tre Bonacieux ; mais il avait, dans la visite qu’il avait faite au cardinal et dans les visites que lui faisait Rochefort, ample sujet à réflexion, et, comme on sait, rien ne fait passer le temps comme de réfléchir. D’autant plus que les réflexions de Bonacieux étaient toutes couleur de rose. Rochefort l’appelait son ami, son cher Bonacieux, et ne cessait de lui dire que le cardinal faisait le plus grand cas de lui. Le mercier se voyait déjà sur le chemin des honneurs et de la fortune. De son c té, Mme Bonacieux avait réfléchi, mais, il faut le dire, à tout autre chose que l’ambition ; malgré elle, ses pensées avaient eu pour mobile constant ce beau jeune homme si brave et qui paraissait si amoureux. Mariée à dix-huit ans à M. Bonacieux, ayant toujours vécu au milieu des amis de son mari, peu susceptibles d’inspirer un sentiment quelconque à une jeune femme dont le coeur était plus élevé que sa position, Mme Bonacieux était restée insensible aux séductions vulgaires ; mais, à cette époque surtout, le titre de gentilhomme avait une grande influence sur la bourgeoisie, et d’Artagnan était gentilhomme ; de plus, il portait l’uniforme des gardes, qui, après l’uniforme des mousquetaires, était le plus apprécié des dames. Il était, nous le répétons, beau, jeune, aventureux ; il parlait d’amour en homme qui aime et qui a soif d’être aimé ; il y en avait là plus qu’il n’en fallait pour tourner une tête de vingt-trois ans, et Mme Bonacieux en était arrivée juste à cet age heureux de la vie. 相关资料 |