法语阅读:追忆似水年华51

全国等级考试资料网 2022-12-22 18:05:05 97
à ce moment, comme pour que devant la mer se multipliat en liberté, dans la variété de ses formes, tout le riche ensemble décoratif qu’était le beau déroulement des vierges, à la fois dorées et roses, cuites par le soleil et par le vent, les amies d’Albertine, aux belles jambes, à la taille souple, mais si différentes les unes des autres, montrèrent leur groupe qui se développa, s’avan ant dans notre direction, plus près de la mer, sur une ligne parallèle. Je demandai à Albertine la permission de l’accompagner pendant quelques instants. Malheureusement elle se contenta de leur faire bonjour de la main. Mais vos amies vont se plaindre si vous les laissez , lui dis-je, espérant que nous nous promènerions ensemble. Un jeune homme aux traits réguliers, qui tenait à la main des raquettes, s’approcha de nous. C’était le joueur de baccarat dont les folies indignaient tant la femme du premier président. D’un air froid, impassible, en lequel il se figurait évidemment que consistait la distinction suprême, il dit bonjour à Albertine. Vous venez du golf, Octave ? lui demanda-t-elle. a a-t-il bien marché ? étiez-vous en forme ? – Oh ! a me dégo te, je suis dans les choux , répondit-il. – Est-ce qu’Andrée y était ? – Oui, elle a fait soixante-dix-sept. – Oh ! mais c’est un record. – J’avais fait quatre-vingt-deux hier. Il était le fils d’un très riche industriel qui devait jouer un r le assez important dans l’organisation de la prochaine Exposition Universelle. Je fus frappé à quel point chez ce jeune homme et les autres très rares amis masculins de ces jeunes filles la connaissance de tout ce qui était vêtements, manière de les porter, cigares, boissons anglaises, cheveux, – et qu’il possédait jusque dans ses moindres détails avec une infaillibilité orgueilleuse qui atteignait à la silencieuse modestie du savant – s’était développée isolément sans être accompagnée de la moindre culture intellectuelle. Il n’avait aucune hésitation sur l’opportunité du smoking ou du pyjama, mais ne se doutait pas du cas où on peut ou non employer tel mot, même des règles les plus simples du fran ais. Cette disparité entre les deux cultures devait être la même chez son père, président du Syndicat des propriétaires de Balbec, car dans une lettre ouverte aux électeurs, qu’il venait de faire afficher sur tous les murs, il disait : J’ai voulu voir le maire pour lui en causer, il n’a pas voulu écouter mes justes griefs. Octave obtenait, au casino, des prix dans tous les concours de boston, de tango, etc., ce qui lui ferait faire s’il le voulait un joli mariage dans ce milieu des bains de mer , où ce n’est pas au figuré mais au propre que les jeunes filles épousent leur danseur . Il alluma un cigare en disant à Albertine : Vous permettez , comme on demande l’autorisation de terminer tout en causant un travail pressé. Car il ne pouvait jamais rester sans rien faire quoique il ne f t d’ailleurs jamais rien. Et comme l’inactivité complète finit par avoir les mêmes effets que le travail exagéré, aussi bien dans le domaine moral que dans la vie du corps et des muscles, la constante nullité intellectuelle qui habitait sous le front songeur d’Octave avait fini par lui donner, malgré son air calme, d’inefficaces démangeaisons de penser qui la nuit l’empêchaient de dormir, comme il aurait pu arriver à un métaphysicien surmené.

Pensant que si je connaissais leurs amis j’aurais plus d’occasions de voir ces jeunes filles, j’avais été sur le point de lui demander à être présenté. Je le dis à Albertine, dès qu’il fut parti en répétant : Je suis dans les choux. Je pensais lui inculquer ainsi l’idée de le faire la prochaine fois. Mais voyons, s’écria-t-elle, je ne peux pas vous présenter à un gigolo ! Ici a pullule de gigolos. Mais ils ne pourraient pas causer avec vous. Celui-ci joue très bien au golf, un point c’est tout. Je m’y connais, il ne serait pas du tout votre genre. – Vos amies vont se plaindre si vous les laissez ainsi, lui dis-je, espérant qu’elle allait me proposer d’aller avec elle les rejoindre. – Mais non, elles n’ont aucun besoin de moi . Nous croisames Bloch qui m’adressa un sourire fin et insinuant, et, embarrassé au sujet d’Albertine qu’il ne connaissait pas ou du moins connaissait sans la conna tre , abaissa sa tête vers son col d’un mouvement raide et rébarbatif. Comment s’appelle-t-il, cet ostrogoth-là, me demanda Albertine. Je ne sais pas pourquoi il me salue puisqu’il ne me conna t pas. Aussi je ne lui ai pas rendu son salut. Je n’eus pas le temps de répondre à Albertine, car marchant droit sur nous : Excuse-moi, dit-il, de t’interrompre, mais je voulais t’avertir que je vais demain à Doncières. Je ne peux plus attendre sans impolitesse et je me demande ce que Saint-Loup-en-bray doit penser de moi. Je te préviens que je prends le train de deux heures. à ta disposition. Mais je ne pensais plus qu’à revoir Albertine et à tacher de conna tre ses amies, et Doncières, comme elles n’y allaient pas et que je rentrerais après l’heure où elles allaient sur la plage, me paraissait au bout du monde. Je dis à Bloch que cela m’était impossible. Hé bien, j’irai seul. Selon les deux ridicules alexandrins du sieur Arouet, je dirai à Saint-Loup, pour charmer son cléricalisme : Apprends que mon devoir ne dépend pas du sien, qu’il y manque s’il veut, je dois faire le mien. – Je reconnais qu’il est assez joli gar on, me dit Albertine, mais ce qu’il me dégo te ! Je n’avais jamais songé que Bloch p t être joli gar on ; il l’était, en effet. Avec une tête un peu proéminente, un nez très busqué, un air d’extrême finesse et d’être persuadé de sa finesse, il avait un visage agréable. Mais il ne pouvait pas plaire à Albertine. C’était peut-être du reste à cause des mauvais c tés de celle-ci, de la dureté, de l’insensibilité de la petite bande, de sa grossièreté avec tout ce qui n’était pas elle. D’ailleurs plus tard quand je les présentai, l’antipathie d’Albertine ne diminua pas. Bloch appartenait à un milieu où, entre la blague exercée contre le monde et pourtant le respect suffisant des bonnes manières que doit avoir un homme qui a les mains propres , on a fait une sorte de compromis spécial qui diffère des manières du monde et est malgré tout une sorte particulièrement odieuse de mondanité. Quand on le présentait, il s’inclinait à la fois avec un sourire de scepticisme et un respect exagéré, et si c’était à un homme disait : Enchanté, Monsieur , d’une voix qui se moquait des mots qu’elle pronon ait, mais avait conscience d’appartenir à quelqu’un qui n’était pas un mufle. Cette première seconde donnée à une coutume qu’il suivait et raillait à la fois (comme il disait le premier janvier : Je vous la souhaite bonne et heureuse ), il prenait un air fin et rusé et proférait des choses subtiles qui étaient souvent pleines de vérité mais tapaient sur les nerfs d’Albertine. Quand je lui dis ce premier jour qu’il s’appelait Bloch, elle s’écria : Je l’aurais parié que c’était un youpin. C’est bien leur genre de faire les punaises. Du reste, Bloch devait dans la suite irriter Albertine d’autre fa on. Comme beaucoup d’intellectuels, il ne pouvait pas dire simplement les choses simples. Il trouvait pour chacune d’elles un qualificatif précieux, puis généralisait. Cela ennuyait Albertine, laquelle n’aimait pas beaucoup qu’on s’occupat de ce qu’elle faisait, que quand elle s’était foulé le pied et restait tranquille, Bloch d t : Elle est sur sa chaise longue, mais par ubiquité ne cesse pas de fréquenter simultanément de vagues golfs et de quelconques tennis. Ce n’était que de la littérature , mais qui, à cause des difficultés qu’Albertine sentait que cela pouvait lui créer avec des gens chez qui elle avait refusé une invitation en disant qu’elle ne pouvait pas remuer, e t suffi pour lui faire prendre en grippe la figure, le son de la voix, du gar on qui disait ces choses. Nous nous quittames, Albertine et moi, en nous promettant de sortir une fois ensemble. J’avais causé avec elle sans plus savoir où tombaient mes paroles, ce qu’elles devenaient, que si j’eusse jeté des cailloux dans un ab me sans fond. Qu’elles soient remplies en général par la personne à qui nous les adressons d’un sens qu’elle tire de sa propre substance et qui est très différent de celui que nous avions mis dans ces mêmes paroles, c’est un fait que la vie courante nous révèle perpétuellement. Mais si de plus nous nous trouvons auprès d’une personne dont l’éducation (comme pour moi celle d’Albertine) nous est inconcevable, inconnus les penchants, les lectures, les principes, nous ne savons pas si nos paroles éveillent en elle quelque chose qui y ressemble plus que chez un animal à qui pourtant on aurait à faire comprendre certaines choses. De sorte qu’essayer de me lier avec Albertine m’apparaissait comme une mise en contact avec l’inconnu sinon avec l’impossible, comme un exercice aussi malaisé que dresser un cheval, aussi reposant qu’élever des abeilles ou que cultiver des rosiers. 相关资料

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